CHAPITRE VII
CAL
Je suis en train d’étudier les dernières mises à jour de la banque, dans mon bureau du premier, quand Giuse entre en coup de vent.
— Dis donc, tu sais depuis combien de temps on est là ?
Cet animal, il a le don de me prendre au dépourvu. Pas le temps d’ouvrir la bouche, Pik a levé un œil dans son coin, sur son coussin préféré.
— Vieux salaud, vieux salaud...
— C’est toi le vieux salaud, lui crie Giuse en tendant le poing. Ça ne te passera jamais, cette manie ?
— Entre nous, je dis, je crois bien que dans sa bouche c’est une façon de saluer un vieux copain. Regarde, il a l’air plutôt content de te voir.
— Oh toi ! il pourrait faire ce qu’il voudrait, tu le défendrais encore. Tu es parfaitement partial !
— C’est vrai, oui.
Il se laisse tomber dans un fauteuil.
— Tu le reconnais ? C’est plus drôle ! Alors, combien de temps ?
— Dans les quatre mois et demi, non ?
— Presque cinq. On en a fait du boulot, hein ? C’est vrai qu’on a bien travaillé. Curieusement, je m’attendais à plus de difficulté avec les billets. Peut-être à cause de notre expérience terrienne. En tout cas, tout le monde a été séduit. C’est même ce qui a incité les gens à venir faire leur dépôt.
Heureusement qu’on avait vu grand dès le départ. On s’est retrouvé avec des centaines de sacs d’or. Par chance aussi, le bal est une petite pièce. On a imprimé plusieurs plaques de un, cinq, dix et cinquante bals d’or et une imprimerie nous a tiré les billets.
Quant aux négociants, ils étaient aux anges de ne plus avoir à trimbaler des sacs énormes, en allant à leurs affaires. Je n’ai gardé l’usage des pièces que pour la moitié des affaires traitées avec l’étranger.
Ça nous permet de faire rentrer de l’or. Le commerce commence à se mieux porter, à Psorda.
Pour les corsaires, on a mis le plan en œuvre. Les navires ne sont plus partis seuls mais en convoi avec une frégate d’escorte. Dès le premier convoi, la frégate a combattu deux fois à l’aller et trois fois au retour.
Il était temps qu’ils arrivent, l’équipage avait été durement touché. Mais tous les marchands sont rentrés. Ce jour-là... une vraie fête nationale !
J’avais bien prévenu les armateurs que ce n’était qu’une mesure provisoire. Les adversaires comprendraient vite et se grouperaient en meute pour attaquer. C’est pourquoi j’ai financé la construction de vaisseaux de ligne modernes, équipés de canons longs, comme les frégates d’ailleurs.
Et ça va être utile. Parce que le rapport que j’ai sur mon bureau est mauvais. Le dernier convoi a été attaqué par trois corsaires, au retour. La frégate a été coulée et la moitié des marchands arraisonnés. Un coup dur.
Heureusement on a gagné le temps qu’il nous fallait. Les vaisseaux de ligne sont prêts. Enfin cinq. Les autres, sept, le seront dans deux mois. Mais en ville l’atmosphère est plutôt sinistre. Pakra est une ville de la mer. Tout le monde se sent concerné.
Au début, la marine n’était pas très chaude pour accompagner ces convois. J’ai dû expliquer que la construction de nouveaux navires, et des gros, favorisait les promotions ! Forcément, un vaisseau de ligne ne peut être commandé que par un officier supérieur. À cette occasion un nouveau grade a été créé. Au-dessus de capitaine, et en dessous d’amiral, le Commodore.
Par miracle les objections se sont éteintes ! Au demeurant, c’est vrai que ce grade avait sa raison d’être pour les grosses unités.
De notre côté, la maison est terminée depuis trois semaines. Et la fête qu’on a donnée a provoqué des émerveillements. Nos invités n’arrêtaient pas de nous féliciter de ce patio intérieur, avec sa fontaine, qui donne tant de fraîcheur à la maison. Les filles y avaient fait mettre des massifs de fleurs et c’était vraiment beau.
Depuis, quatre maisons semblables sont en construction ! Ça va donner un style à cette ville. Et, pourquoi pas, aux autres îles.
Donc la banque marche bien. Elle a investi dans des affaires et va gagner d’ici peu pas mal d’argent, bien qu’elle pratique un taux d’intérêt de deux pour cent. Dérisoire et pourtant juteux dans un pays où le coût de la vie ne change qu’assez peu.
Les garçons ont été enthousiasmés de nos affaires. Giko connaît bien le côté immobilier et Patri nage parmi les professionnels du marché maritime. Je leur ai affecté définitivement ces secteurs, après leur avoir fait un cours primaire d’économie.
Ils ont été des élèves attentifs d’abord, puis passionnés ensuite. C’est pendant ce cours que j’ai eu une idée dont je me félicite. On parlait calcul d’intérêts. Et ils avaient de la peine à faire les opérations de tête.
Je me suis souvenu des antiques bouliers chinois, sur Terre, l’ancêtre de la machine à calculer. Tellement faciles à construire et permettant tant de calculs compliqués !
Le lendemain, j’achetais un petit atelier où Belem commençait à fabriquer des bouliers simples et plus complexes. J’ai appris aux garçons à s’en servir et le miracle a opéré. Du jour au lendemain ils étaient capable de faire de longs calculs, parfaitement exacts.
On a mis en vente ces bouliers, à bas prix pour les plus simples, mais plus cher pour les supérieurs. Et toujours avec le mode d’emploi ! Et c’est une affaire qui marche terriblement. On commence à en vendre à l’étranger, ce qui rapporte de l’or...
Ce n’est pas qu’on en manque, avec la mine. Salvo nous apporte ses quinze lingots chaque semaine, qu’on entrepose dans une seconde cave de la banque. Personne n’en connaît l’existence. Je préviendrai, un jour, les garçons. Ce sont vraiment des types bien. Avec un don manifeste pour les affaires.
Pour les filles, Giuse a l’air heureux avec Tor et moi je me laisse aller à un bonheur tranquille avec Nali. J’aime rester, le soir, dans le patio en lui tenant la main, sans parler.
— Hé, tu rêves ?
— Je crois bien que oui, dis-je, un peu gêné. Tu disais ?
— Ouais... je vais recommencer au début, tu n’as sûrement rien entendu. Regarde bien mes jolis petits doigts. Primo, le prochain convoi part dans deux jours... avec deux vaisseaux de ligne et deux frégates. Deuxio, JI a fait savoir qu’il a retrouvé une partie de l’enregistrement que tu lui as demandé, sur le dernier passage d’un Dijar loy. Tertio, rien de nouveau à la base, HI est toujours aussi cinglé, faisant agir les robots-boules comme des idiots...
Il reprend sa respiration :
— ... et quarto, je fumerais bien un de tes petits cigares !
C’est vrai qu’ils sont bons, ces petits cigares de Psorda. Ils me rappellent une vieille marque Terrienne, « Elégance ». Légers et fruités. Je lui tends la boîte et on fait des ronds en chœur.
Alors un convoi « nouvelle manière » va partir ? J’ai bien envie de voir à quoi ça ressemble, ces petites armadas. D’autant que c’est mon idée ! Et puis j’ai fait transformer le Compas, comme le Triangle, avec des canons longs, et j’ai bien envie de voir ma petite flotte à la mer.
Un équipage n’est pas difficile à recruter, on jouit d’une réputation de fameux loups de mer, depuis notre arrivée. Je laisserai sept gars de la bande des Dix à bord. Quatre officiers sous le commandement de Badix, et deux chefs de bordée, et ça devrait aller. À moins que Giuse ne veuille le commandement.
— Qu’est-ce que tu dirais de partir avec les deux bateaux ?
— Avec le convoi ?
Son visage s’est éclairé.
— Oui.
— Ça, c’est la meilleure idée que tu aies eu depuis un bon bout de temps, cap’taine !
— Tu veux prendre le Compas ?
— Pour quoi faire ? Avec un équipage de Psordiens, je devrai faire des surveillances de quart, et le quart, j’aime bien mais pas trop, juste ce qu’il faut. Trop paresseux.
Il a l’air sincère et je sens que ce n’est pas un refus des responsabilités.
— Tu sais comment ils ont l’intention de manœuvrer ?
— À dire vrai, c’est ce qui me tracasse un peu. Ils n’ont aucune idée de ce que doit faire une escorte. D’après ce que m’a dit le capitaine Dijil, qui est du voyage, l’escorte suivra le train.
— C’est tout ?
Il hausse les épaules en faisant un rond de fumée. Là, ça ne va pas du tout. Parce que je sais comment ils manœuvrent en convoi. Ils sont parfois à une heure de route les uns des autres ! Or ce voyage-ci est important.
C’est là que Psorda doit prendre définitivement l’avantage sur les coalisés.
Le dernier convoi ayant été décimé par quelques navires, les coalisés vont comprendre que c’est le bon système et multiplier encore les corsaires. Il faut absolument que des manœuvres soient mises au point. Sinon, même avec une forte escorte, des marchands seront coulés.
— Il faut que je voie le chef de l’escorte, qui est-ce ?
— Le commodore Galis, un grand type sec, pas sot. On l’a déjà rencontré chez Dijil il y a quinze jours. Celui qui t’a entrepris sur les manœuvres de combat sous le vent...
— Ça y est, je me souviens. Je vais passer à la capitainerie du port, il y est peut-être encore.
Effectivement, il y est encore. Je lui expose tout de suite mon souci.
— Bien content que vous m’en parliez, capitaine, parce que moi aussi cela me donne du tracas, hurle-t-il.
Il ne peut jamais se persuader qu’il n’est pas sur le pont de son navire et sa conversation est plutôt bruyante ! Pas discrète en tout cas.
— Voyez-vous, commodore, un convoi nécessite une discipline des marchands, mais aussi une technique de la part de l’escorte pour qu’elle soit efficace.
Il me jette un regard aigu.
— Allons, pas de précautions, capitaine. Dites-moi ce que vous pensez.
Pour lui, j’aurai beau faire, je serai toujours « capitaine ». Dans son esprit, il y a deux catégories d’êtres humains, les capitaines et ceux qui peuvent le devenir, et les autres, en vrac... Mais sa franchise a du bon.
— Je crois qu’il serait désastreux, pour Psorda, que des corsaires sacrifient deux ou trois navires chargés d’engager le combat avec vous, pendant que d’autres tailleraient le convoi en pièce. Nous perdrions la face. Or, ce qu’il faut, c’est leur montrer que nous sommes désormais invulnérables. Devant des corsaires en tout cas.
Il s’est rembruni au fur et à mesure que je parlais.
— Mais... nous pourrions toujours voler au secours du convoi.
— Suivi par trois corsaires que vous ramèneriez sur les marchands ? Vous leur feriez un beau cadeau ! Vous comprenez pourquoi j’insiste sur une tactique propre aux convois.
— Mais quelle technique ? Je ne vois pas comment nous pourrions agir autrement.
Il y a une corbeille de fruits sur une table, une grappe de malou, le raisin de cette planète, et je dépose des grains en deux colonnes. Puis je place d’autres grains sur l’avant, l’arrière et les flancs.
— Voilà commodore, comment le dispositif doit s’articuler. Les marchands sur deux colonnes parallèles. À l’avant une frégate rapide pour reconnaître le chemin, les vaisseaux de ligne sur les flancs et un autre navire en arrière-garde, mais pas trop loin pour venir prêter main forte au flanc attaqué.
J’espère que ma petite démonstration est convaincante, sinon j’ai perdu mon temps. Il tourne autour de la table, examinant le dispositif sous tous les angles.
— Mais, capitaine, ça ne va pas ! Cette manœuvre est très habile, je le reconnais, cependant vous n’avez pas suffisamment de navires sur l’avant et l’arrière !
— Exact, commodore, il faudrait explorer l’avant sur une plus grande largeur. Seulement vous ne disposez que de quatre navires, n’est-ce pas ?
Ça y est, il a compris. Il se met à hocher la tête.
— C’est terrible, nous n’avons pas d’autres frégates ici, en ce moment, et il est trop tard pour en faire venir. Comment avons-nous pu être aussi insouciants ? La puissance des vaisseaux de ligne nous a aveuglés ! L’escorte est trop faible, cela saute aux yeux. Tout cela risque d’être catastrophique.
— Il y a une solution pour tenter d’arranger un peu les choses en notre faveur. Je peux prendre la mer avec mes deux navires, si vous me trouvez un équipage pour le Compas. Deux bâtiments de plus peuvent faire basculer la chance de notre côté. En outre, je pourrais vous suggérer des manœuvres.
— Je ne suis pas un homme susceptible, capitaine, votre aide la plus active sera la bienvenue, je vous l’assure !
— Dans ce cas, si vous le voulez bien, mes deux navires exploreront la route, sur l’avant, à portée de secours. Et la frégate, libérée, restera au vent, sur le flanc, à trois heures de voile.
— Parfait. Je vais donner des ordres pour que l’on vous recrute un équipage et des officiers.
— Pas les officiers, j’ai les miens, s’il vous plaît.
— Comme il vous plaira.
*
Quel boulot pour obliger les marchands à naviguer en colonnes, à trois cents mètres les unes des autres. J’ai dû faire le chien de garde en piquant les capitaines au vif pour qu’ils acceptent les ordres. C’est Giuse qui a eu l’idée de leur demander au porte-voix s’ils « se sentaient capables » d’une manœuvre délicate !
Du coup, les colonnes ont été respectées. Mais la première nuit...
Au matin, ils étaient dans tous les sens. Sur tout l’horizon. Il a fallu rameuter le tout et expliquer quatorze fois, à chaque capitaine, en somme, qu’il y avait assez de lumière, la nuit pour qu’on voie le « matelot » de devant, dans chaque file.
Le commodore m’a laissé faire. La seconde nuit c’était un peu mieux. Seuls deux marchands se sont écartés. Au bout d’une semaine, enfin, ça allait. Et on peut dire que maintenant, après quinze jours de mer, on manœuvre avec un ensemble à peu près correct.
Le commodore me l’a d’ailleurs souligné hier soir, en m’expliquant qu’il avait fait noter chacune de nos interventions pour en tirer une méthode destinée aux futurs convois.
Il nous avait invités à dîner à son bord. J’ai laissé le Triangle à Salvo pendant que le Compas éclairait la route, assez loin devant, et on y est allé en canot, avec Giuse.
Un repas très « marine ». Tous les officiers étaient en grand uniforme, une splendide tenue bleu et blanc, les couleurs de Psorda. Redingote-habit bleue et pantalons blancs dans des bottes noires.
On avait un peu flairé le coup, avec Giuse, si bien qu’on avait étrenné les uniformes qu’il a fait confectionner à Psorda d’après ses souvenirs d’histoire. Une tenue entièrement blanche, immaculée. C’est le chapeau qui ne me paraît pas au point. Il a recopié tant bien que mal le bicorne de la marine anglaise et ça ne colle pas du tout avec ce climat. On a besoin d’une coiffure qui protège mieux du soleil. Il faudra revoir ça.
En tout cas on a eu notre petit succès ! Ravis, les militaires, que des marchands aient aussi un uniforme. Pas de femme à table, évidemment, seuls les marchands emmènent des passagers. On a d’ailleurs eu de la peine à calmer les filles, à notre départ...
C’est Giuse qui y a réussi. On leur a donné la fabrique de bouliers ! Elles étaient ravies et parlaient d’ouvrir des succursales ! Très excitées, des vraies femmes d’affaires.
Ce matin, on se balade sur l’avant du convoi. Le temps est beau et on prend le vent de l’arrière droite. À mon avis, si on doit être attaqué, ce sera dans ces parages. On est à bonne distance de Psorda et pas tellement loin des ports du nord de Gasar, l’une des îles coalisées.
Le Compas, plus au Nord, a discrètement envoyé un robot vahussi, en anti-G, reconnaître la route cent milles devant, et l’un des nôtres fait la même chose, plus au sud. Pour l’instant tout est tranquille.
Giuse vient me rejoindre sur la dunette vers 11 heures, suivi de Pik qui fait son tour de pont habituel. Il a une curieuse attitude devant les robots. Il semble les ignorer, comme s’il sentait qu’il ne s’agissait pas d’humains. D’ailleurs il n’imite jamais leurs paroles. Il nous réserve ça.
Il s’enhardit dans ce domaine, et il faut faire attention à ce qu’on dit. Il trouve toujours le moyen d’être là sans qu’on le remarque. J’ai découvert qu’il était très câlin et on se fait des tas de cajoleries, tous les deux !
C’est le lendemain que les corsaires se sont manifestés. Le Compas a soudain signalé qu’il était en vue de plusieurs voiles, au lever du jour. Toutes au nord de notre route. Une bonne position stratégique. Ça m’a confirmé que ce ne sera pas du gâteau.
Je subodorais qu’ils se mettraient sous le commandement unique de l’un d’eux, pour coordonner l’attaque. Apparemment, le gars réfléchit bien, parce qu’il a la meilleure position pour attaquer.
Aussitôt prévenu, j’ai ordonné au Compas d’engager le combat de loin, hors de portée des canons ennemis, pour retarder leur avance. Et j’ai fait demi-tour pour aller prévenir le Commodore.
— On est en vue maintenant, dit Salvo près de nous, on peut commencer à envoyer les signaux.
Les Psordiens ont un système très astucieux de drapeaux comportant des numéros et des lettres. Avec ça ils peuvent communiquer aisément.
— Envoie « Ennemis en vue » et « appuyez à tribord en me suivant ».
Le commodore qui navigue sur tribord du convoi répond tout de suite par un « aperçu » et serre ses huniers pour accélérer en obliquant,
Je veux amener les corsaires sous notre vent. Pour ça, il faut mettre cap au nord. On aura ainsi plus de marge de manœuvre. Lentement, le convoi oblique.
— Badix annonce qu’il voit neuf corsaires, dit Salvo, de sa voix tranquille.
Giuse siffle entre ses dents et fronce les sourcils.
— C’est pas gagné, hein ? Ils y ont mis le paquet cette fois. Le vrai coup de pot qu’on ait décidé de venir, sinon le convoi se faisait hacher.
Je réfléchis rapidement. Peu de chances pour qu’on soit également attaqués par l’arrière, donc on peut mettre un écran devant assez important, à condition de ne pas perdre l’avantage du vent.
Cette bataille qui s’annonce ressemble, je trouve, à une partie d’échecs. Il faut manœuvrer subtilement avant la bagarre, pour se placer dans les meilleures conditions, et anticiper sur les initiatives de l’adversaire.
— Envoie « Plus vite », je commande sans me retourner. Et aussi « adversaire en grand nombre », ça suffira pour l’instant. Où en est Badix ?
— Il est sur le point de tirer sa première salve, répond mon bosco pendant que les signaux montent au grand mât.
— Qu’il tire aussi avec ses canons de proue sur un corsaire éloigné. Ça gagnera encore du temps.
— Il dit que les corsaires se divisent. Cinq ont mis le cap franc est.
— Les vaches, ils veulent le mettre dans le vent ! Qu’il oblique lui aussi, tant pis. On ne va pas les retarder beaucoup avec ça. Ils ont compris la manœuvre... Bon, Giuse, on va y aller aussi.
— Je croyais que tu voulais attendre le commodore ?
— Oui, mais maintenant les autres manœuvrent bien, on va se retrouver coincés. Chapeau, le gars qui commande ! Salvo, cap au nord, on rejoint le Compas.
Je signale au commodore que je pars sur l’avant et je lui suggère de prendre une formation en ligne espacée avec l’autre vaisseau de ligne et une frégate. La dernière restera avec les marchands pour parer à une infiltration. Et je préviens que le convoi doit se tenir prêt à abattre vent arrière, par bâbord, pour fuir en formation.
C’est en vent arrière que les marchands sont le plus rapide. Ils sont quand même rattrapés par un navire de guerre mais la différence est moins sensible qu’aux allures portantes.
Salvo hurle ses ordres à l’équipage qui bat des records de vitesse dans la mâture. Le Triangle s’incline sur l’eau pendant qu’on prend le vent plein travers. Une allure qu’il aime bien. Ça m’empêche de tirer, sinon dans l’eau, mais pour l’instant ce n’est pas grave, je ne vois pas encore les voiles ennemies dans ma longue-vue.
— Comment est l’équipage du Compas ? je demande à Salvo.
— Badix dit que les marins sont enthousiastes. Forcément, pour l’instant ils tirent sans se faire toucher !
Une heure plus tard, on aperçoit les premières mâtures à l’horizon, loin sur bâbord. Ça va, le Triangle ne s’est pas fait remonter.
J’attends d’être un poil au nord de la dernière voile et je commande un virement de bord, vent arrière. Les embruns sautent sur l’avant pendant que le navire s’incline encore plus. C’est impressionnant, mais ça passe...
Nous voilà presque vent arrière, fonçant sur l’ennemi au loin.
— Badix vient de recevoir une bordée, me prévient soudain Salvo.
— L’andouille, il s’est trop rapproché ! Des dégâts, des blessés ?
— Il dit que trois hommes sont morts et deux blessés.
Alors là je suis en rogne. Il ne faut pas s’amuser à encaisser bêtement, il y a des hommes là-bas !
— J’aurais peut-être dû te demander de prendre le Compas, dis-je à Giuse. Tu n’aurais pas fait cette connerie !
— Tôt ou tard il devait encaisser, tu sais. C’était inévitable.
— Justement, il est trop tôt. Salvo, dis à Badix que je suis furieux.
Je me demande bien si ça aura un effet quelconque ? Pour me calmer, je m’assieds sur le banc de l’officier de quart. On ne peut qu’attendre d’être en bonne position.
— Appuie légèrement au nord, je lance de ma place à Bahun qui tient la barre.
Voilà, on arrive à portée. Je suis sur le point de faire tirer les deux pièces de proue quand j’ai une idée. Je me suis souvenu d’un truc qu’utilisaient les navires autrefois, sur Terre.
— Salvo, dis à Stuil et à Badix... non pas à lui, je rectifie rapidement, il y a trop de témoins à son bord... Stuil seulement, de faire rougir à blanc les boulets juste avant de les placer dans les canons.
Il suffit de leur balancer de l’énergie pure. Facile pour les robots.
— Qu’est-ce que tu mijotes ? interroge Giuse d’un ton curieux.
— Des boulets rougis vont flanquer le feu partout, et un navire en feu c’est un navire en difficulté, pigé ?
— Cap’taine, vous êtes vicieux... mais génial.
— Cal !
C’est Salvo qui remonte en vitesse l’échelle de dunette.
— Badix signale trois autres voiles qui viennent du sud !
Douze corsaires ! Cette fois, ça se présente mal. Un contre deux... Mais c’est surtout la manœuvrabilité de ces navires qui est dangereuse. Comment les tenir à distance ? D’ailleurs ça ne suffirait pas, il faut en couler un bon nombre pour que ce soit valable.
Je réfléchis rapidement, revoyant dans ma tête le plan des forces en présence. Voyons, les vaisseaux de lignes commencent à apparaître loin derrière. Il faudrait les prévenir de s’étager sur la gauche, mais comment ?
Un coup de tonnerre me fait sursauter.
— Stuil commence à tirer, dit Giuse qui m’a vu surpris. On dirait bien qu’il a touché le bateau de droite, regarde. Oh, il a le feu à bord, il y a de la fumée !
Exact. Un petit filet noir monte du pont où des gars s’agitent follement.
— Salvo, dis à Badix de faire comme nous, tant pis, mais discrètement !
Stuil continue à arroser le même corsaire, qui est maintenant plus près. Cette fois de grandes flammes montent de ses flancs. En voilà un hors de combat pour un moment.
— Salvo, attention, virement de bord sur bâbord... Virez !
Le Triangle obéit bien, virant rapidement, pendant que les voiles qui faseillent claquent dans le vent comme autant de coups de canon. Au moment où on achève le virement, je m’aperçois qu’un second corsaire va se trouver dans notre axe de tir pendant une fraction de seconde.
— Stuil, je hurle, à toi...
Il a compris et on lâche une salve. Là-bas un cataclysme se déchaîne sur le pont ennemi. Le grand mât a été coupé net, et plusieurs boulets se sont enfoncés dans le flanc. Le vrai coup de veine. Celui-là aussi est hors de combat. Il crame déjà.
Une bonne chose pour l’instant, mais il vaudrait mieux couler nos adversaires, sinon ils pourront s’en tirer et réparer.
Sur la gauche, le Compas a engagé un combat avec deux corsaires qui manœuvrent pour le coincer entre eux. Une mauvaise idée, il va pouvoir régler leur compte ensemble, avec ses deux bordées.
— Le commodore appuie sur sa gauche, crie Giuse. Une bonne nouvelle. Il a compris qu’il fallait surtout ne pas se laisser déborder. Dix minutes plus tard, je le vois qui engage le combat, lâchant sa première bordée. Et elle fait mal ! Ignorant de la portée des nouveaux canons longs, un corsaire a encaissé une bordée entière. Trente-six canons !
Touché à sa soute à munitions il explose presque tout de suite. Et déjà le commodore fonce sur un autre. Ces grands vaisseaux sont finalement plus maniables que je ne le pensais, on a bien travaillé, Giuse et moi, qui avons inspiré les proportions et la mâture.
Maintenant c’est un peu la mêlée, ce que je craignais. On est entré dans leur formation, au lieu de virer avant et de rester entre eux et le convoi en les arrosant régulièrement.
— Salvo, dis à Badix de se retirer vers le convoi et de nous retrouver. Où en sont les trois derniers ?
— Ils obliquent vers le convoi !
Bien sûr ! Ils profitent de la bagarre pour aller à la curée. C’était sûrement l’idée de départ du gars qui commande les corsaires. Et c’est bien imaginé.
— On fonce sur eux avec le Compas...
Pas facile de se dégager sans encaisser. Je mets dix bonnes minutes à éviter de m’approcher à portée de canon des navires ennemis tout en tirant sans arrêt. Les fûts des canons commencent à rougir et les matelots doivent les arroser à grands seaux d’eau qui fuse en nuages de vapeur.
Ça y est, on en est sorti. Les canons vont pouvoir refroidir en attendant qu’on coince les trois, là-bas. Bon sang, c’est drôlement juste pour arriver à temps...
Je ne quitte plus des yeux leur sillage, dans ma longue-vue. Ils vont fichtrement vite.
— La frégate du dernier écran a compris, crie Giuse, elle part à l’attaque.
Autant de temps de gagné si elle manœuvre bien. Je me sens fébrile. Il ne faut pas que le convoi encaisse un seul boulet ou l’effet psychologique serait désastreux.
La frégate oblique à droite et les corsaires tombent dans le piège en s’écartant au sud. Ils comprennent trop tard qu’ils ont abandonné le vent, déjà la frégate est à portée et elle ouvre le feu. Un navire encaisse sévèrement. Bien tiré.
Dans cinq minutes on sera dans la bagarre. Je fais dire à Badix de passer derrière eux pendant que je fonce sur l’avant. Et ça marche. On se retrouve juste entre les deux derniers navires ! Nos deux salves partent en même temps, et le Compas balance sa bordée de tribord. C’en est trop, avec nos boulets rougis. Les corsaires se mettent à fumer. Mais on continue à les pilonner jusqu’à ce qu’ils commencent à couler.
De son côté, la frégate est monté à l’abordage de son adversaire. Je préférerais qu’elle se soit contentée de canonner. Mais de toutes les façons elle en aura fini avant qu’un danger pressant se présente. Autant lui laisser le goût de sa victoire.
Je fais signe au Compas de revenir avec nous vers le gros du combat. Sur le pont du Compas, les marins hurlent de joie, excités par la fièvre de la bataille.
On met quarante minutes à remonter le vent jusqu’à la mêlée. Le second vaisseau de ligne a déjà bien encaissé. Il a perdu un mât qui pend dans la mer, encore retenu par des haubans que l’équipage peine à couper.
Pour qu’une masse pareille soit aussi endommagée, il faut que la bataille ait été terrible. Je compte les corsaires : il en reste six. Trois de coulés par conséquent. Mais notre frégate est en train d’y passer...
Complètement démâtée, elle se fait pilonner sans arrêt. Je ne vois plus grand monde sur sa dunette. Et le pont couvert de débris ne montre plus grand signe d’activité. Je fonce.
Dès la première bordée, le corsaire qui faisait donner son artillerie est surpris. J’ai tiré de loin, pressé par le temps. Stuil a profité d’une vague qui nous soulevait pour tirer plus haut. Et la chance veut que plusieurs boulets rougis à blanc tombent sur l’ennemi qui fume !
Il s’écarte précipitamment, mais j’ai déjà repris le vent et on arrive à toute vitesse sur lui, nos deux canons de proue tirant sans arrêt. Mais maintenant on tire sur la coque, là où ces gros boulets font des ravages et déclenchent des incendies nouveaux, dans les œuvres vives du navire.
Une énorme explosion ! On a fini par toucher la soute à poudre, à moins que ce ne soit un incendie...
— Cal, regarde, il y a un coup terrible à faire. On passe entre les deux corsaires qui évitent, là-bas, et on se retrouve derrière les deux du bout de la ligne !
C’est vrai. D’un coup d’œil j’ai vu sa manœuvre. Occupés avec un vaisseau de ligne, les corsaires ne nous surveillent pas. Pas le temps d’aider la frégate, on y reviendra tout à l’heure.
— Salvo, vire de bord, plein sud.
Le bâtiment reprend de la vitesse et on arrive entre les deux corsaires qu’on visait.
Un vrombissement lourd. Je lève la tête pour voir un beau trou rond dans une grand-voile ! C’est un boulet du vaisseau de ligne qui nous a tirés par erreur.
On est en place, à trente mètres, pas plus, des navires. Je rectifie la trajectoire pour passer au beau milieu... et on s’engouffre.
Les deux bordées partent, et je suis si près que je vois les ravages des boulets. La moitié étaient orientés vers les flancs des navires et font éclater des énormes panneaux, allant porter le feu loin à l’intérieur. Les autres balaient le pont. Là ce n’est pas joli...
Je me retourne de l’autre côté, vers l’autre bâtiment. C’est la même chose ! Il fallait vraiment un équipage de robots pour synchroniser les actions aussi parfaitement. Quand on longe le vaisseau de ligne, une acclamation nous salue, du haut de son pont supérieur.
On est déjà sorti de la mêlée, continuant avec le vent que l’on prend mieux maintenant. Vent arrière, à toute vitesse, on débouche sur les corsaires qui bagarrent avec le commodore. Un virement de bord et notre bordée part, à cinquante mètres.
Le corsaire semble s’arrêter pendant une fraction de seconde, sous l’impact. Je vois nettement son gouvernail, frappé de plein fouet, s’effondrer dans la mer. Il est ingouvernable. Voilà un bâtiment fichu... Il va se faire massacrer sans pouvoir manœuvrer pour éviter les bordées.
Nouveau virement de bord pour nous, et la seconde bordée part. Le second corsaire avale les boulets assez bas dans la coque et commence à gîter sur tribord. Le mouvement s’accentue pendant que je le regarde.
Nos matelots rechargent à une vitesse folle et vingt secondes plus tard une nouvelle salve s’envole, qui atteint immanquablement son but. Démâté, l’ennemi gîte de plus en plus. Et le commodore l’assomme d’une nouvelle bordée. Cette fois il coule !
— Salvo, demande à la vigie combien de corsaires sont encore en état de naviguer.
— Elle dit qu’à part deux navires qui fuient vers le sud les autres sont très endommagés et vont être détruits.
— Eh, il ne faut pas qu’ils s’en tirent, lâche Giuse furieux.
Je suis à peu près de son avis et je lance mes ordres.
— Salvo, envoie deux messages au commodore : « Poursuivons l’ennemi en fuite » et : « suggérons anéantissement complet ». Mais pour les fuyards, je ne suis pas entièrement d’accord avec toi, Giuse. Il faut que les coalisés sachent ce qu’il s’est passé ici. Donc il doit y avoir un survivant.
Il sourit.
— Tu es la voix de la raison, mon petit cap’taine, fait-il. Alors on les laisse s’échapper ou on s’en fait encore un ?
— Transigeons, on en coule un et on fait quelques voies d’eau à l’autre, pour la vraisemblance. Ça te va ?
— Oh moi tu sais, je n‘suis qu’un pauv’mec de second avec une si p’tite tête...
Je le regarde attentivement. Non, il a dit ça pour s’amuser, pas de rancune derrière.
— Salvo, je lance, dis au Compas de nous suivre.
*
Déjà une journée qu’on les poursuit, en vain. Ils foncent vers le sud à toutes voiles et on ne gagne pas de terrain. Il faut prendre une décision. Je descends au carré où Giuse regarde les cartes en mangeant un morceau.
— Qu’est-ce que tu en penses, matelot ? On ne les rattrape pas, et pourtant il faudrait en couler au moins un. Toute suggestion sera la bienvenue, j’ai le crâne vide.
— Mais non, mais non, cap’taine, pas vide ! Mais si tu veux un conseil, facile, dit-il en haussant les épaules. Tu expédies un gars en anti-G, pour les surveiller cette nuit. Et pendant ce temps on se fait tirer par le module, en plongée. À l’aube on sera devant eux. Tu parles d’une surprise !
Je suis sidéré. Voilà des heures que je me creuse la tête et lui me balance la solution, comme ça, sans y prêter d’importance !
— Matelot, tu mérites de l’avancement et une sérieuse augmentation... Tu t’occupes de donner les ordres, pendant que je mange un peu ?
Il file et je m’assieds. Crevé. La tension, je suppose.
Toute la nuit, on se fait tirer par le module à qui on a passé un câble. Le Compas suit comme il peut, jusqu’à ce que le matelot, en anti-G, nous annonce que les corsaires font un virement de bord de 90°, vers une heure du matin. Je fais continuer le Compas tout droit, et nous on coupe la route.
Et à l’aube on se retrouve devant eux, à une heure de route. Je m’attends à voir leurs mâts d’une minute à l’autre. Le Compas, bien guidé, n’est en retard que d’une petite heure. Il sera là pour la curée, ou presque. Lui aussi a coupé au plus court.
— Les voilà, lance Bahun près de moi, en tendant le bras vers le nord.
Effectivement, dans ma longue-vue j’aperçois la pomme d’un grand mât. Je fais aussitôt rétablir la voilure, réduite pour l’attente. Ce matin la mer est plus grosse. Pas vraiment mauvaise mais les vagues sont écrêtées par le vent qui a fraîchi. Je fais prendre une route d’interception, au plus près.
Un quart plus tard, ils nous aperçoivent et tentent de fuir vers l’est. Le Triangle modifie instantanément sa route, abattant un peu et accélérant encore avec le vent qu’on prend mieux.
— Le Compas vient d’apparaître derrière eux, me dit Giuse.
— Ça marche. On va juste lâcher une bordée au premier. Il faudra tâcher de lui faucher un mât. Et ensuite on fonce sur le second, pour le couler. Il faut un seul survivant.
Il est dix heures quand on est à portée de canons. Je fais mine de commettre une erreur de placement, virant au nord. Le premier corsaire en profite aussitôt et abat sur bâbord. Pendant quelques secondes il s’offre de travers et notre salve de tribord part, lui cassant net le grand mât ! Le pot...
On est tellement plus puissants que ces navires que c’est presque immoral de les attaquer. Mais, après tout, les coalisés ne font pas de cadeau non plus.
Tout de suite il est hors de portée, avec nos vitesses respectives. Et je continue vers l’autre.
Le combat ne dure pas plus de quinze minutes ! En feu, les mâts abattus, et gîtant très fort il est abandonné par son équipage. Une dernière salve, à bout portant, et il coule.
Voilà, c’est fini. D’un seul coup j’en ai marre. Envie de calme.
— Ça ne va pas ? demande Giuse d’une voix inquiète en me voyant la tête baissée, assis sur le banc de quart.
— Un moment de déprime. Ça m’arrive souvent après une bagarre. Tu veux prendre la suite ?
— D’accord.
— Vrai, ça ne t’ennuie pas ? Tu dois être aussi crevé que moi ?
— Non je t’assure. Et puis, ça va m’amuser de jouer au commandant, ne t’en fais pas, va te reposer.
Etendu sur ma couchette je m’aperçois que j’ai envie de revoir Nali. Envie de tendresse, de douceur. Je réagis mal. Je suppose que le traitement régénérateur que l’on subit en général au réveil nous manque cruellement. Et maintenant il est trop tard pour y passer sur le Dijar, qui est équipé d’un matériel, évidemment. Il faudrait un traitement complet que seul HI pourrait nous donner à la base.
Je n’ai aucune envie de continuer ce voyage. D’autant qu’il sera certainement tranquille. Avant que les coalisés lancent une nouvelle attaque, l’eau coulera sous les ponts. Au fond, je pourrais aussi bien rentrer à Psorda. Oui, c’est ça !
Aussitôt je remonte sur le pont voir Giuse.
— Dis donc, on n’a plus rien à faire ici, j’ai envie de rentrer, qu’est-ce que tu en penses ?
Il sourit largement.
— Ça me va parfaitement. Je n’avais plus tellement envie de faire deux mois de voyage pour rien.
— O.K., alors on revient vers le convoi prévenir le commodore et demi-tour... à moins que...
— Que quoi ? fait-il.
— Puisque tu t’amuses à commander, veux-tu prendre le Compas ? Tu remontes seul vers le convoi et moi je rentre tout de suite, avec le Triangle.
— Ouais, ça c’est une bonne idée. Epatant, je vais jouer au dictateur...
Ça me fait plaisir qu’il prenne un commandement. Il est plus que temps qu’il s’y décide. C’est une question d’état d’esprit. Au fond, qu’il s’agisse d’un navire ou d’un Dijar, il n’y a pas de différence, il a les connaissances nécessaires. Ce qui lui manquait, c’est une expérience de « patron ».
On rallie le Compas et il monte à bord. Cinq minutes plus tard, il agite les bras pour me saluer pendant que les deux navires s’éloignent.